Matchstruqués : un système au-dessus des joueurs, des arbitres et surtout desinstances du football


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James M Dorsey   (en Newsring.fr)

Journaliste, auteur du blog "Le Monde turbulent du…

07 février 2013, 15:02

Peu importe ce que vous ferez, les parieurs joueront toujours car des cultures, des groupes pratiquent le pari 
comme loisir. Le jeu fait ainsi partie de la culture britannique, de la culture chinoise, turque, arabe... Tous sont de grands parieurs. L'une des plus grandes maisons de jeu concernant le sport se trouve d'ailleurs en Grande-Bretagne.

Parier sur n'importe quoi, mais parier

Je me souviens d'un appartement de Munich il y a plusieurs années. La police surveillait les lieux en raison du nombre important de Turques qui y passaient. Un jour, la police a fait une descente pour découvrir que l'appartement était un casino illégal. Après avoir fait mettre un terme à cette activité, la police a continué de surveiller l'appartement et a remarqué que les joueurs revenaient malgré tout. Les policiers sont intervenus de nouveau, et ont constaté que les Turques, faute de matériel de jeu, avaient disposé plusieurs aliments sur une table et pariaient sur l'endroit où les mouches allaient se poser ! Mis dehors, ces joueurs ont commencé à parier sur les plaques d'immatriculation des voitures. En d'autres termes, que vous aimiez ou n'aimiez pas les paris, c'est une activité qui existe, quoiqu'il arrive.

Si elle ne peut pas être évitée, elle doit donc être régulée. Mais cela ne devrait en aucun cas être une pratique qui corrompt le sport lui-même.

Des situations difficiles à identifier dans le foot

Je ne suis pourtant pas surpris par le scandale qui a éclaté il y a quelques jours dans le milieu du football. A vrai dire, je m'y attendais. Il était évident, depuis de nombreuses années, qu'il existait des activités illégales dans le foot, et en particulier des matchs truqués.

Le problème est qu'il est très difficile de les identifier. Vous et moi voyons par exemple un joueur faire quelque chose ou un arbitre prendre une décision : quand je vais penser qu'il avait raison de le faire, vous allez peut-être penser qu'il y a quelque chose qui cloche. Mais comment pouvez-vous le prouver ? Vous ne le pouvez pas. Il y a donc très peu de cas où la preuve est évidente.

Revenons un instant sur l'un des cas qui ont conduit à ce scandale. L'exemple, qui ne représente évidemment pas la majorité des cas, montre que quelque chose ne va pas dans ce système.

Un Singapourien, déjà condamné à de multiples reprises, a été arrêté en 2011 en Finlande et inculpé dans une affaire de matchs truqués avant d'être extradé vers la Hongrie. Il a accepté de cracher le morceau sur tout ce réseau et ces opérations criminelles en échange d'une surveillance préventive. Les autorités finlandaises avaient été rencardées sur cet homme, qui avait la réputation d'être un des fraudeurs les plus discrets. Il ne se contentait pas de truquer des matchs mais aussi de recruter et entraîner des gens pour faire ce travail. Il était également un gros parieur et avait des dettes qui atteignaient 3 millions de dollars. Notre homme avait des difficultés à rembourser.

Les syndicats ont par exemple reçu des plaintes d'un club qui affirmait que ce Singapourien les avait payé 200.000 au lieu de 500.000 dollars pour l'acquisition d'une équipe de football composée de plusieurs joueurs africains. Les 300.000 dollars restant à payer devaient servir à cet homme pour rembourser une partie de ses dettes. S'en est suivie une chute incontrolable qui a entaché la crédibilité de cet individu, à qui on ne faisait plus confiance.

Le trucage de matchs : une simple branche d'un business plus large

Mais il s'agit là d'un cas isolé. En matière de matchs truqués, on ne parle pas d'individus, mais d'organisations criminelles, essentiellements multinationales et dotées de plusieurs types de business. Le trucage de matchs n'est qu'un aspect de ces business.

Si beaucoup de gens s'émeuvent de cette situation, il faut pourtant remettre les choses en perspective. Au total, 680 matchs ce n'est pas l'essentiel si l'on compare à la totalité des matchs qui sont joués dans le monde. Sans compter que l'argent fait la loi : dans l'univers du foot, beaucoup de joueurs ne veulent pas de ce genre de situation risquée quand ils gagnent 30 ou 40 millions de dollars par an.
Ce système est donc au-dessus des joueurs, au-dessus des arbitres et surtout au-dessus de toutes les associations de football. C'est peut-être moins vrai en Europe, mais en Afrique des associations sportives ont un grand besoin d'argent. Si quelqu'un vient à eux en leur disant "Je peux couvrir vos dépenses en échange de services", croyez-moi : peu de gens poseront des questions.

Le scandale des matchs truqués fait partie d'un plus large problème. Le football a été frappé depuis environ deux ans par une série de scandales : la FIFA, les controverses sur l'organisation de la Coupe du Monde au Qatar etc. Si on regarde ce qu'a fait la FIFA, il est rassurant de voir que des gens ont été exclus des hautes sphères du sport. Mais les structures fondamentales restent inchangées et il reste, à mon sens, beaucoup de poudre aux yeux.

Ce scandale me rappelle la corruption qui a touché le milieu olympique lorsque les JO se sont tenus à Salt Lake City. Depuis cet évènement, je ne vois aucune mesure répressive. C'est la même chose dans le football. Tout comme le CIO, la FIFA ne semble pas vouloir faire bouger les lignes.

Un problème qui parle aux fans

La raison pour laquelle la FIFA ou d'autres organisations régionales ne veulent pas faire plus d'effort, est qu'elles ne subissent aucune pression, ni de la part des fans de football ni de la part des sponsors.
Pour la plupart des fans, ce qui s'est passé au Comité Exécutif de la FIFA, à l'attribution de futures Coupes du Monde ou encore à la Confédération asiatique de football, tout cela est «là-haut dans la stratospère», bien au-delà de ce qu'ils peuvent atteindre en tant que simple passionné de football.

Le scandale des matchs truqués est une histoire complètement différente : on parle ici du match où je vais, celui que je regarde à la télévision. Je suis donc bien plus affecté par ce scandale que par les autres, parce qu'il est plus proche de moi. La question est : ce scandale va-t-il être une sorte d'électrochoc pour les supporters ? Va-t-il leur donner un plus grand impact sur ce sport ?

La «crise financière» version foot

Un professeur de l'Université de Singapour m'a envoyé un email qui m'a ouvert les yeux. Dans son courrier, il me remerciait pour les infos que je publiais car il y trouvait un écho de ce qu'il vivait depuis 5 ans en travaillant sur les cas de mauvais gestion dans le domaine financier. Ce qu'il se passe dans le foot est l'équivalent de ce qu'il se passe dans les banques.

Et tout comme les banques sont le moteur de l'économie mondiale, le football est, de loin, le sport le plus populaire du monde. Il n'y a rien d'équivalent. Aucun autre sport ne suscite, à un niveau national, le type d'émotion que suscite le football. C'est un sport auquel le monde s'identifie. Un fait qui rend ce problème de matchs truqués d'autant plus important à résoudre.

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